RETROUVEZ NOTRE LIBERTÉ : INTERVIEW EXCLUSIVE

L’homme a besoin de diversité parce que la planète en a besoin aussi. Aucun homme n’est exactement similaire à un autre, pas plus que deux tigres ou deux flocons de neige ne sont parfaitement identiques.
RETROUVEZ NOTRE LIBERTÉ : INTERVIEW EXCLUSIVE

Dans cette interview exclusive, la fondatrice de THE SAGES parle de la nécessité de devenir un éco-citoyen et explique comment les vêtements éthiques aideront le monde à atteindre un développement durable.

Q : - Si vous pouviez résumer votre démarche éco-citoyenne en une minute, que diriez-vous ?

Iris Anaëlle : - De tout temps et en tout lieu, on a créé ce dont on avait envie ou besoin. Le besoin et le désir précèdent l’action et donc la fabrication. Or, aujourd’hui, on fabrique des milliards de tonnes de produits et on dépense des milliards pour donner envie au consommateur de les acheter. Je veux rappeler au citoyen que c’est lui qui décide, qu’il doit reprendre le pouvoir qu’il a abandonné à une logique de profit déconscientisé, que c’est sa consommation qui détermine ce qui est fabriqué et comment c’est fabriqué, que c’est lui qui détient la responsabilité de son présent et de son avenir.

Q : - Etre éco-citoyen et la sauvegarde de la planète passent obligatoirement par l’absence de produits animaux dans les vêtements et accessoires de mode ?

Iris Anaëlle: - Toutes les études scientifiques le disent ! Bien sûr, on ne peut pas s’attendre à ce que les habitudes de consommation changent radicalement du jour au lendemain. Pour être éco-citoyen, le plus important est donc de prendre conscience que chaque acte d’achat est déterminant parce qu’il est répété à des millions d’exemplaires autour du monde.

Q : - N’est-ce pas plus urgent de s’occuper de l’exploitation des humains plutôt que de l’exploitation des animaux ?

Iris Anaëlle : - Je n’ai jamais compris pourquoi on opposait si souvent les deux notions. Du reste, il faut bien commencer quelque part ! Dans les deux cas, le processus mental est d’ailleurs exactement le même, et il suffit de regarder les conditions de travail des employés des abattoirs pour s’en rendre compte. L’exploitation animale c’est la déforestation, la pollution des eaux, l’éradication d’espèces animales comme celle des humains, l’augmentation massive de certaines maladies, la destruction de la biodiversité, sans oublier l’infertilité des humains, des animaux et des sols. Et il suffit de changer nos habitudes de consommation pour éviter tout cela.

Q : - Doit-on bannir tous les produits animaux de nos armoires pour être éco-citoyen ?

Iris Anaëlle : - L’urgence de la situation actuelle pourrait pousser certains au dogmatisme, ne tombons pas d’un excès à l’autre ! Si l’on trouve dans son grenier un manteau de fourrure ayant appartenu à sa grand-mère, il est légitime de l’utiliser. Sinon, les animaux seraient morts pour rien, et l’on achèterait autre chose, ce qui ne ferait qu’augmenter la consommation. En revanche, constater que l’animal est déjà mort quand on achète sa fourrure ou son cuir dans le magasin est un prétexte déloyal, car si personne n’achetait de vêtements en produits animaux, personne n’en fabriquerait non plus.

Q : - Quel serait le contenu de votre garde-robe idéale éco-citoyenne ?

Iris Anaëlle : - Le lin et le chanvre permettent de créer des vêtements réellement écologiques, car ils ne nécessitent que peu d’eau et de pesticides. Mais n’oublions pas que l’industrie pétrochimique produit des déchets dans des quantités phénoménales, et comme on ne peut ni l’arrêter ni empêcher la pollution lors de leur élimination, il est tout à fait responsable de consommer des vêtements en matières recyclées. Enfin, il existe des magasins de « second hand », et si l’on achète aussi chez eux, cela évite que les vêtements invendus ne finissent brûlés et qu’ils engendrent un gaspillage de ressources. Ces dernières années, on a aussi vu se développer un nouveau type de processus créatif, basé sur le réemploi immédiat des déchets et des chutes de production directement transformables en de nouveaux accessoires, sans passer par la phase du recyclage de matières : on parle alors d’upcycling. Récupérer un vieux pneu, une lance d’incendie en fin de vie, une chambre à air de vélo ou de camions usagés, découper, assembler et abracadabra, voilà une ceinture, des bretelles, des boucles d’oreilles ou un nouveau collier.

Q : - C’est cela être un éco citoyen ?

Iris Anaëlle : - C’est cela, mais plus encore. Déjà, il faudrait n’acheter que ce qu’on va effectivement porter. Et avoir une consommation responsable, c’est aussi se renseigner et s’impliquer un minimum. Se renseigner, parce qu’il existe des « usines » présentées comme des ventes de déstockage alors qu’il s’agit de produits bas de gamme fabriqués dans l’esclavagisme humain et conçus dans le seul but d’être vendus sous l’étiquette « à prix cassé » ; de nombreux sites décrivent ce processus commercial déloyal que l’on doit fuir. S’impliquer, c’est s’autoriser à penser et dire ce qui ne va pas. Un exemple : chaque année, beaucoup de marques de luxe sont obligées de brûler leur stock, sans quoi elles doivent payer l’impôt sur leur inventaire. Peut-on être d’accord avec une fiscalité qui conduit à la destruction des ressources ?

Q : - Le GREEN WASHING dans tout ça ?

Iris Anaëlle : - C’est, selon moi, la pire manipulation de l’époque actuelle, et le fait que cela fonctionne montre à quel point l’esprit humain est facilement trompé. Pourtant, on n’est pas obligés de croire qu’un vêtement est éthique parce que le nom de la marque est écrit en vert ! Depuis qu’elles existent, les publicités montrent des vaches heureuses dans un pré, ou des brebis léchant la main du berger, or la grande majorité des vaches sont inséminées artificiellement, élevées intensivement, cloitrées sans voir la lumière du jour, gavées d’antibiotiques et de céréales transgéniques, elles seront abattues à la chaine… le tout en détruisant la planète à tous les stades de leur vie et même après leur mort.

Q : - Concernant la laine, elle repousse et les animaux sont en liberté, pourquoi ne pas la conseiller ?

Iris Anaëlle : - Quand je pense à la laine, j’aperçois un troupeau qui traverse lentement une route en Irlande, et je crois que c’est une image assez bien partagée par nos concitoyens. Cela montre combien nous sommes mal informés et conditionnés par les groupes industriels. Dans les faits, la laine que nous consommons provient en grande majorité d’animaux d’élevage intensif, qui sont tondus dans un tel esprit de rentabilité qu’on leur coupe généralement les parties génitales pour aller plus vite.

Certes, la télévision montre aussi qu’il existe encore de petites tribus ou des villages dont l’activité consiste principalement à élever un troupeau de yaks ou de moutons, mais depuis l’internationalisation des échanges commerciaux, la demande portant sur les vêtements équitables faits en petites quantités a amené les autochtones ou les nomades à se sédentariser pour produire de plus grandes quantités destinées à l’exportation. Les paysans intègrent alors des processus de fabrication de moins en moins éthiques, et qui eux, sont importés de l’Occident. Partout dans le monde, ces petits exploitants sont sollicités pour augmenter leur production, donc leur rentabilité. Une seule question doit être soulevée avant d’acheter : Mon habitude de consommation est-elle viable à grande échelle ?

Q : - On sait que le problème majeur vient de l’augmentation massive de certaines consommations dans les pays émergents. Ne pourrait-on pas les empêcher de copier le modèle occidental que beaucoup qualifient de suicidaire ?

Iris Anaëlle : - C’est un effet de foule, et il est d’autant moins maîtrisable que le monde occidental s’impose en exemple à suivre. Il suffit de regarder certaines séries américaines où tout le monde est beau, riche, habite dans une grande maison avec piscine et conduit une voiture d’exception. Si l’on veut que la Chine suive un bon exemple, le meilleur moyen d’y arriver est d’être un bon exemple éco-citoyen, et sûrement pas de leur demander de « faire ce que je dis et pas ce que je fais ».

Arrêtons aussi de pointer les autres du doigt ! Il s’agit d’une technique de manipulation induite par les groupes industriels pour déresponsabiliser leurs clients et faire en sorte qu’ils continuent de consommer leurs produits. En réalité, c’est l’Occident qui, pour que quelques-uns gagnent plus, a inventé l’élevage intensif, pour augmenter les profits. À une époque très récente, le régime alimentaire chinois se composait principalement de riz, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui par l’influence du monde occidental. Gandhi l’a dit : « Commence par changer en toi ce que tu veux changer autour de toi ».

Q : - Vous affirmez que les « phénomènes » de mode sont préjudiciables à l’humain et à la planète. Que répondez-vous à ceux qui pensent, au contraire, que ces tendances sont synonymes d’une évolution ?

Iris Anaëlle : - En 1980, les modèles de voiture duraient au moins 10 ans, ce qui n’empêchait pas les améliorations techniques tous les ans. Aujourd’hui, les modèles changent chaque année, pour pousser à la consommation. Bien évidemment, le fabricant de voitures demeure circonspect face à l’exploitation des humains, des animaux, des ressources naturelles et de la pollution qu’il engendre. La même logique soutient le secteur de la mode : chaque année, on impose dans les médias des images pour mettre en valeur des formes ou des couleurs, et petit à petit, la population va se calquer sur ce modèle imposé par cette technique commerciale, qu’on pourrait appeler une « obsolescence psychologique programmée ».

Tout cela ne correspond à rien de réel, parce que ça ne changerait absolument rien qu’on porte de l’orange une année et du violet l’année suivante, plutôt que l’inverse. Par contre, cela diminue la durée de vie de nos habits, donc cela nuit à l’écologie de la planète et à notre pouvoir d’achat. Sans compter que la mode et le monde social ne tiennent aucun compte de l’impact de leurs diktats sur la planète, puisque bien des produits coûtent beaucoup plus cher en effets secondaires néfastes que le prix auquel ils sont vendus. Tout cela fait partie du processus industriel, mais je pense qu’il est impossible de parler de progrès.

Q - Par exemple ?

Iris Anaëlle : - Dans la rue, à cet instant, certaines femmes ont une jupe longue, d’autres en portent une courte. La longue nécessite 4 à 8 fois plus de tissu. Les tanneries de cuir empoisonnent les humains, les poissons et les eaux avec leurs rejets nocifs. Par ailleurs, certaines couleurs sont plus polluantes que d’autres, on voit des rivières devenues mortes à cause des rejets de colorants toxiques. Même le blanc est presque toujours une teinture chimique. Dans le monde social, on demande au travailleur de se formater sur un modèle gris foncé ou noir très polluant, alors que l’envie naturelle est de se décliner en couleurs biologiques comme on le voit si bien dans la nature.

Q : - Il y a des lois qui obligent à s’habiller de telle ou telle manière ?

Iris Anaëlle : - Il y a des lois écrites qui édictent que bien que nous soyons nés nus et que nos ancêtres l’étaient aussi, nous n’avons plus ce droit et avons l’obligation de nous cacher sous des vêtements. Pour certaines professions, c’est extrêmement réglementé. On le comprend bien pour les services d’urgence ou les forces armées qui ont l’ordre de porter un uniforme explicite. Pour d’autres métiers, comme les hôtesses de l’air, la présentation est encadrée et contractuelle. Il y a d’autres lois non écrites qui font qu’une femme étonnera si elle porte un tailleur jaune vif dans certains bureaux. C’est ici un ordre implicite donné aux citoyens de se vêtir et de consommer de telle ou telle manière.

Ce qui me semble le plus emprisonnant toutefois, c’est la résistance qu’on se crée soi-même en projetant sur l’autre qu’il va nous juger. Certaines femmes n’ont pas envie de porter un soutien-gorge, mais elles le font de peur de s’imaginer que leur sœur ou leur collègue de travail pourrait peut-être penser que ce n’est pas « convenable ». Pourtant, des études sérieuses affirment que le port du soutien-gorge multiplie par 125 le risque de cancer du sein.

Q : - Une solution n’est-elle pas justement d’imaginer une tenue semblable pour tous ?

Iris Anaëlle: - Mais c’est à peu près ce qui se passe lorsqu’on s’habille chez les grandes marques de prêt-à-porter ! On trouve ce principe d’égalitarisme vestimentaire dans les dictatures. On le trouve aussi chez certains peuples comme les Kogis ou les Arhuacos de Colombie, mais seulement parce qu’ils n’ont pas un grand choix de matière première. Aujourd’hui, toutes les grandes marques appartiennent aux mêmes groupes industriels, et il y a 3 inconvénients à acheter leurs produits :

  • le premier est qu’on alimente un système économique et politique qui va à l’encontre du bien-être des humains et des animaux ;
  • le second est qu’on se retrouve formatés physiquement et psychologiquement en étant tous habillés plus ou moins de la même façon ;
  • le troisième est qu’on détruit la nature et les générations futures.

L’homme a besoin de diversité parce que la planète en a besoin aussi. Aucun homme n’est exactement similaire à un autre, pas plus que deux tigres ou deux flocons de neige ne sont parfaitement identiques. N’hésitons pas à porter et consommer des vêtements éthiques qui nous plaisent et ont un faible impact écologique, au lieu de nous dissoudre dans une masse de consommateurs crédules.

Q : – Et la mode éthique dans tout ça ?

Iris Anaëlle : - Pour moi, être à la mode, c’est être le plus authentique possible en suivant ses envies. C’est respecter la nature et préserver notre avenir.

S’IMPLIQUER, C’EST S’AUTORISER À PENSER ET DIRE CE QUI NE VA PAS.

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